Les fabriques de soi ? selon le sociologue Gustavo Gomez-Meija

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Gustavo Gomez-Meija, enseignant chercheur au Département Information-communication (INFO-COM) à l’Institut Universitaire de Technologie de Tours (IUT Tours) explore dans sa thèse un sujet central : la notion de « conscription » dans le contexte de la construction de l’identité numérique.

Le titre de Time Magazine de 2006 ne laisse pas indifférent. Dans un monde où « Vous êtes la personne de l’année« , selon la couverture du Time Magazine datée du 18 décembre 2006, l’attention se porte sur les internautes « anonymes » (vous, moi) qui sont au centre de la diffusion de l’information en ligne.

La personne de l’année : c’est vous. Oui. Vous. Vous contrôlez l’ère de l’information. Bienvenue dans votre monde, publie en couverture Time Magazine de ce lundi 18 décembre 2006. Pour une fois, la personnalité de l’année n’est pas à chercher du côté des grands hommes de la planète. Le magazine américain a choisi de célébrer la multitude d’internautes anonymes qui a pris le contrôle de l’information sur le Web. (Time Magazine)

2006 – Vous

 

Au cœur de ses recherches sur l’industrie du web, Gustavo Gomez-Meija conclut que l’identité numérique se trouve standardisée et formatée, se limitant à quelques informations essentielles : une photo de profil, une bannière, des données sociologiques telles que l’âge, la profession, le nom, et autres détails que l’utilisateur peut choisir de fournir (il est à noter que Facebook, par exemple, a longtemps interdit l’utilisation de pseudonymes).
Ces informations ne permettent pas de véritablement (re)construire l’identité d’une personne, mais plutôt de dresser un portrait robot standardisé, accepté par l’utilisateur lui-même.
De plus, ces données ont tendance à être très administratives, et l’auteur suggère que les plateformes comme Facebook encouragent la création d’images (bannières, etc.) pour adoucir le côté rigide des informations et atténuer le coté standardisé du profil, mais ces images visent en réalité à stimuler l’imaginaire autour de l’identité et favorise l’interaction et l’engagement (appel à action = interaction), plus qu’à révéler l’identité réelle de l’utilisateur.

Le langage reste toutefois succinct et formaté par des symboles / « boutons » (like, commentaire, identification, partage) qui automatise grandement la communication tout à en la réduisant à des images symboliques. Il est important de noter que, via le bouton « like », qui fait partie de ces formes de langage simplifié, Facebook ne permet pas aux utilisateurs d’exprimer qu’ils « n’aiment pas quelque chose », ce qui limite la communication à une certaine incomplétude.

Gustavo Gomez-Meija compare la standardisation des profils à des « tableaux d’Excel sociaux« , soulignant ainsi la difficulté de déterminer la véritable identité des individus, entendue comme leur singularité, leurs opinions et leurs passions.

« La conscription » le point central de la thèse Gustavo Gomez-Meija

Le point central de la thèse de l’auteur est que pour mieux comprendre l’identité numérique, il faut analyser les interactions que les individus ont sur les réseaux sociaux. Prenons l’exemple de Facebook, où les interactions de base incluent « liker », « commentaire » et « l’identification ».

Au sens premier, l’auteur rappelle que la conscription renvoie à une liste d’individus.
Cela peut évoquer la conscription militaire ou bien encore les trombinoscopes scolaires par exemple. Cependant, Gustavo Gomez-Meija utilise le terme conscription pour regrouper les actions « automatisées » (c’est à dire les actions utilisant le symbole comme écriture « ex : le pouce pour « liker ») qui forment des interactions avec les autres profils, qu’il qualifie également de « co-écriture« .


Le bouton « like » permet de lier plusieurs personnes à un post, c’est-à-dire à un message, une idée ou une prise de position. Cette co-écriture automatisée regroupe les noms et les photos des utilisateurs autour d’un post, et l’industrie du xeb « réduit » en quelques sorte les interaction à l’usage de ces boutons/symboles afin d’inciter les individus à « co-écrire« .

Dans ces conditions il est difficile de déterminer l’identité « réelle » des personnes. On entend par identité, la singularité qui forme chaque personne, c’est à dire ses opinions, ses passions,…

En pratique, cette action de conscription (identification, « like », etc.) est tout aussi importante que le profil lui-même pour comprendre la construction de l’identité d’un individu. Ces actions contribuent à former une « expression collective ». En « aimant » un post, un individu adhère non seulement à l’idée, mais aussi les personnes qui l’ont aimé.

Ainsi, en analysant ces actions de conscription (identification, « like », etc.), il devient possible de mieux comprendre l’identité de chaque individu. En d’autres termes, sans les actions telles que « like », « commentaire », « identification », les informations fournies lors de l’inscription semblent tellement standardisées qu’elles uniformisent les profils, rendant l’identité de chaque personne confuse. C’est à travers les interactions que l’on peut réellement analyser l’identité du profil.

En résumé, Gustavo Gomez-Meija cherche à comprendre comment le sujet construit une identité numérique avec les (peu) de moyens que lui offre l’industrie du web pour s’exprimer de façon singulière.

Gustavo Gomez-Meija ne cherche pas à analyser les interactions au même titre que Moreno le propose avec la sociométrie.
Il s’interroge sur les limitations de la construction de l’identité numérique inhérente aux plateformes du web qui favorisent une communication par le biais de symboles et d’actions automatisées, réduisant ainsi la possibilité de bien cerner l’identité du sujet.

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Stéphane Meurisse

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